Entretien avec Mathieu Sapin, auteur de la BD “Gérard, 5 ans dans les pattes de Depardieu”. Après avoir croqué les coulisses de la campagne présidentielle de 2012, puis l’Elysée sous François Hollande, Mathieu Sapin a suivi le géant Depardieu en BD.
1. Gérard Depardieu : et maintenant, la BD !
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“Gérard, cinq années dans les pattes de Depardieu” par Mathieu Sapin est actuellement disponible, édité par Dargaud
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© Dargaud
AlloCiné : Comment êtes vous passé de l’Elysée (Mathieu Sapin a signé la BD Le Château : Une année dans les coulisses de l’Elysée en 2015, Ndlr.) à Gégé ?
Mathieu Sapin, auteur : En fait, c’est l’inverse ! Gérard Depardieu, je l’ai rencontré après la campagne de 2012, avant d’aller à l’Elysée. J’avais fait une bande dessinée sur la campagne de François Hollande, “embedded” comme on dit en bon français ! Cette BD (Campagne Présidentielle, édité chez Dargaud en 2012, Ndlr.) avait attiré l’attention d’un producteur qui cherchait un dessinateur pour un documentaire, diffusé sur Arte en 2014 (Retour au Caucase, Ndlr.). L’objet du documentaire était un voyage en Azerbaïdjan sur les traces d’un long voyage qu’avait fait Alexandre Dumas en son temps, avec un peintre.
L’idée de la production était d’envoyer Depardieu -qui a beaucoup de liens avec Dumas parce qu’il a joué Dumas lui-même et des personnages de la littérature de Dumas-, sur les traces de… Et comme Dumas était parti avec un peintre, ils se sont dits que ce serait plus vivant s’il était lui-même accompagné d’un peintre ou d’un dessinateur. Ils ont cherché et la BD est arrivée entre leurs mains, et se sont dit ‘tiens, ça peut être marrant’. Mon profil leur a donné l’idée de me contacter. Mais pour être précis, il faut dire qu’ils avaient contacté pas mal de mes collègues que je connais et qui ont tous flippé en fait ! Je ne suis pas du tout le premier choix ! Quand ils m’ont contacté, j’ai dit ‘à fond’. J’étais ravi.
Vous, vous n’avez pas eu peur ?
J’étais un peu impressionné, mais j’étais surtout très curieux, et puis en sortant de la campagne de François Hollande, ça faisait un bon contre-point.
Aviez-vous déjà côtoyé Gérard Depardieu auparavant ?
Non, non absolument pas. Mais ce qui est drôle, c’est que dans ma BD sur la campagne de François Hollande, il se trouve que, pour voir comment ça se passait un peu ailleurs, j’étais allé voir le meeting de Nicolas Sarkozy à Villepinte, et un des faits marquants de ce meeting était que Gérard Depardieu était monté sur scène. On peut trouver la vidéo sur Youtube. C’était un moment assez saisissant, ce n’était pas prévu. Il était invité parmi les people, mais il n’était pas du tout question qu’il prenne la parole. Il est monté sans prévenir et tout le monde était tétanisé. J’étais dans la salle, je m’en souviens très très bien. Je me suis dit ‘ouah qu’est ce qu’il se passe’. C’était en freestyle total.
Vous souvenez-vous de votre premier contact avec lui ?
Oui, je me souviens très bien. Tout ça je le raconte dans la BD, vous verrez. Mais avant de le voir, j’ai eu une espèce de séance briefing de la part du producteur et du réalisateur. Ils m’ont expliqué une espèce de marche à suivre pour le moment où je le rencontrerai, en m’expliquant bien qu’avec lui, ça passe ou ça casse. Si il le sent bien, ça peut être super. Aussi bien, ça peut être un enfer. Après cette mise en garde, on l’a rencontré quelques jours plus tard et en fait, ce n’était pas très marquant car il y avait pas mal de monde, toute l’équipe était là. Il a jeté un œil à mes BD. Il m’a dit que comme il ne se rappellerait pas de mon prénom, il m’appellerait Tintin !
Ce qui était plus drôle, c’était la 2ème rencontre, puisque quelques jours plus tard, je me retrouve à Bakou pour le doc. Comme l’équipe devait commencer les préparatifs, ils nous ont laissé tous les deux. Encore une fois, je ne le connaissais pas du tout. J’avais juste été présenté quelques minutes. A peine nous ont-ils laissé que Gérard dit : ‘bon ben, qu’est-ce qu’on fait ? On va à la piscine ?’ On était dans son hôtel. Je n’avais pas de maillot. J’étais en slip ! On était que tous les deux à barboter dans la piscine. Après on a pris une douche et là-bas ce sont des douches orientales, donc c’est tout le monde à poil. Donc voilà ! Ca m’avait marqué quand même.
Est-ce que pour cette BD vous vous êtes censuré par moment ? Il y a des choses que vous n’avez pas pu mettre ?
La difficulté, c’est que lui donne tout. Il y a eu un contact tellement super que c’était vraiment à moi de me débrouiller. Je l’ai suivi pendant longtemps. C’était plutôt moi qui devait trier. J’ai choisi ce que j’allais raconter. Par exemple, la vie privée, j’ai évité d’aborder trop les questions concernant sa famille par exemple ou concernant ses relations sentimentales.
Est-ce que vous avez un film préféré de Gérard Depardieu ?
Il y a deux films qui m’ont marqué. La Femme d’à côté. Je n’avais pas du tout l’âge requis quand je l’ai vu, ça m’a traumatisé et en même temps marqué. Et plus tard, je l’ai vu assez tardivement : Les Valseuses. Je devais être en terminale. C’était une grosse claque.
C’est un truc que je raconte dans la BD que j’aime bien. A un moment donné, je suis avec son producteur et Gérard. Il lui dit : qu’est ce qu’il pensait de toi, ton père ? Est-ce qu’il se rendait compte que son fils était devenu une vedette ? Depardieu nous dit : pas trop. Tout le monde lui parlait des Valseuses, il a fini par prendre sa bicyclette et aller au cinéma de Châteauroux. Après la séance, des copains lui disent : ‘alors ? Qu’est-ce que tu en as pensé ?’ Son père dit : ‘ben, c’est Gérard quoi !’. Je trouvais ça drôle, car son père ne voyait pas du tout ce qu’il y avait d’incroyable dans Les Valseuses. Il voyait juste son gamin, rien d’original pour lui.
Après cette BD, je crois que vous avez également un projet de long métrage. Vous avez déjà réalisé un court métrage, je crois. Cette fois-ci, vous vous jetez dans le grand bain !
Je n’ai pas fait d’études de cinéma, mais j’ai partagé mon atelier pendant de longues années avec Riad Sattouf et Joann Sfar, donc j’ai vu de l’intérieur leur passage au cinéma. Et concernant Gainsbourg de Sfar, Joann m’avait invité à suivre tout son tournage, j’ai fait un carnet qui raconte tout le tournage du film. Donc ça, on va dire que c’était la théorie.
Et puis en 2013, la société de production Bizibi m’avait proposé d’adapter une de mes BD. On avait effectivement commencé par un court métrage. Et là, c’est encore en écriture, mais je suis en train de travailler à un développement de ce court métrage (Vengeance et terre battue) en long métrage.
En parallèle, j’ai un projet avec Pyramide Production. Ils m’ont contacté après la Présidentielle de 2012. Ils avaient accroché sur ma bande dessinée qui racontait la campagne vue de l’intérieur. Ils m’ont encouragé à écrire. J’ai co-écrit avec Noé Debré une fiction qui se passe pendant une campagne présidentielle. Ca tire très largement vers la comédie.
Ca s’appelle Le Poulain. Alexandra Lamy partagera l’affiche avec Finnegan Oldfield. Ce que je veux décrire dans ce film, c’est le microcosme d’une équipe de campagne vue de l’intérieur. Le candidat à la Présidentielle sera joué par Gilles Cohen, mais ce ne sera pas le personnage central. C’est un biotope très fertile en tensions et passions humaines. On va tourner après l’été.
>>> La bande dessinée Gérard, cinq ans dans les pattes de Depardieu est publiée chez Dargaud. Elle est disponible depuis le 17 mars 2017
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