Avec ses extra-terrestres, ses batailles navales et les explosions qui vont avec, “Battleship” est un film qui regorge d’effets spéciaux pas toujours faciles à réaliser, comme nous l’a confirmé Grady Cofer, superviseur des effets visuels et employé d’ILM depuis 1999.
Allociné : Quel était votre travail sur “Battleship” ?
Grady Cofer : J’étais superviseur des effets visuels, ce qui signifie que j’ai été attaché au projet il y a 3 ans. J’ai rencontré Peter Berg, et il m’a expliqué son idée pour le film, que j’ai tout de suite adorée. Au fur et à mesure de la pré-production, j’ai travaillé avec lui et le chef décorateur, Neil Spisak, sur le design des aliens et de leurs vaisseaux. Pendant les prises de vues, je devais être sur le plateau, avec le réalisateur et le directeur de la photographie, pour voir si les images tournées étaient assez bonnes pour que nous puissions y intégrer les effets spéciaux, chez ILM.
Quelle a été votre première réaction quand on vous a proposé de travailler sur l’adaptation d’un jeu de plateau ?
Comme beaucoup de gens je pense, j’ai d’abord été sceptique puisque j’ai joué au jeu étant petit, et que je savais qu’il n’était pas porteur d’une histoire. Je suis donc allé à Los Angeles, il y a 3 ans, dans les bureaux de Peter Berg : celui-ci est entré dans la pièce, a pris une chaise, s’est assis, et a commencé à me raconter les premières minutes de Battleship. Son approche m’a parue très séduisante, et c’est à partir de ce moment que j’ai voulu prendre part au projet.
Peter Berg – © Universal Pictures International France
Vous avez parlé des aliens, qui semblent réels, presqu’humains. Est-ce plus difficile de créer ce type de créature ?
Pendant la phase de pré-production, l’un de nos “designers d’aliens” a dessiné des concept arts sur lesquels nous avons commencé à travailler. Mais Peter Berg préférait une version plus humanoïde de ces créatures, donc nous avons changé de direction pour suivre la sienne. Il voulait un envahisseur auquel on pouvait, en quelque sorte, s’identifier, et qui nous semble familier. Peter Berg a d’ailleurs beaucoup travaillé sur les parallèles entre les forces humaines et extra-terrestres, de façon à ce que l’ennemi soit plus complexe, moins unidimensionnel.
Le film se déroule de nous jours, et dans le monde réel. Cela rend-il les effets spéciaux plus compliqués à réaliser que lorsque vous avez à créer un univers entier ?
Absolument ! Mais Peter tenait vraiment à ce que Battleship soit ancré dans la réalité. Son père travaillait dans la Navy, donc il a voulu que le réalisme soit le plus important possible, en tournant sur l’océan et sur de vrais navires, avec de vrais marins. Notre travail devait donc se calquer sur ce parti-pris, et nous avons commencé par collecter divers documents concernant les navires, les explosions sur l’eau, et nous avons assisté à ces exercices qui ont lieu tous les 2 ans autour d’Hawaï et réunissent 15 pays et 40 vaisseaux, dont nous avons filmé l’arrivée depuis un bateau et un hélicoptère. J’ai moi-même été embarqué sur un croiseur, avec une équipe, pendant 9 jours, ce qui nous a permis de faire beaucoup d’images pour le film et de nous documenter, pour que les vaisseaux que nous allions créer en images de synthèse collent aux modèles réels. Il nous a également fallu recréer de l’eau, ce qui est généralement la chose la plus dure à faire, si l’on veut un résultat photo-réaliste. Peter a aussi voulu que les vaisseaux aliens “recyclent” l’eau, en l’absorbant et en la faisant couler sur les parois, ce qui nous a valu d’avoir énormément d’eau numérique à créer. Mais nous savions que nous allions devoir nous dépasser sur ce type d’effets, donc nous avons entamé ce que nous appelions le “Projet Battleship” il y a 3 ans, afin d’y parvenir, en changeant quelque peu notre approche.
Combien de personnes travaillent sur les effets visuels d’un tel film ?
Nous étions environ 200 personnes, réparties en 2 équipes.
© Universal Pictures International France
Quels sont les différents aspects de votre travail ? Nous avons tendance à faire des raccourcis et rassembler tout le monde sous le nom de « Superviseur des effets visuels »…
Nous avons plusieurs rôles à jouer. Pendant les prises de vues, il faut être là pour aider le réalisateur à capturer des images nous permettant d’y intégrer les effets spéciaux sans le moindre problème. On est aussi là pour mener le processus, en demandant souvent à l’équipe technique de visualiser quelque chose qui n’existera pas avant plusieurs années. Et une fois que nous avons quitté le plateau pour revenir dans les locaux d’ILM, notre travail a encore différents aspects, mais il faut surtout bosser en collaboration avec l’équipe de post-production, pour retranscrire les idées du réalisateur en images. J’ai eu beaucoup de chance avec Battleship, car j’ai bénéficié d’une super équipe pour les effets spéciaux, car nombreux sont ceux qui ont apporté leur vision et leur passion à ce travail.
Quand est née votre envie de travailler dans le monde des effets spéciaux ?
Je ne sais pas si on peut vraiment parler d’une envie. Quand j’étais petit, j’ai été bluffé par Star Wars et son imagerie, et mon imagination a tout de suite été accaparée par les mécanismes ayant abouti à la création de ces images. J’ai donc été plongé très vite dans ce milieu, mais il m’a fallu quelques temps avant de commencer à y travailler vraiment. Je m’intéressais beaucoup à la narration, et j’ai vu dans les films la combinaison parfaite entre cette donnée et l’aspect visuel, ce qui m’a toujours plu. J’ai commencé dans une société de Los Angeles, où je faisais du compositing graphique, ce qui m’a permis d’exercer sur des films comme Titanic. J’ai ensuite été appelé pour rejoindre ILM, ce qui était mon rêve.
R2-D2 (Kenny Baker) & C-3PO (Anthony Daniels) dans Star Wars : Episode II – L’Attaque des clones – © Twentieth Century Fox France
Vous parliez de votre amour pour “Star Wars” et vous avez justement travaillé sur les épisodes II et III. Qu’avez-vous ressenti à ce moment-là ?
Je me souviens d’un jour, alors que je travaillais sur l’un des plans de l’épisode II : il y avait R2-D2 sur l’écran de mon ordinateur, et je me suis rappelé à quel point j’avais été impressionné par l’image de C-3PO et lui marchant sur le sable de Tattooine, au début de l’épisode IV. Et en travaillant ainsi, quelques années plus tard, sur un plan mettant en scène R2-D2, j’ai compris que j’étais en train de réaliser l’un de mes rêves, vu la façon dont Star Wars a révolutionné les effets spéciaux. Et ce qu’il y a de bien chez ILM, c’est que chaque nouveau projet peut être porteur d’un nouveau challenge, qui s’accompagne souvent de nouvelles gratifications.
Quand on regarde votre filmographie, on remarque que vous avez exercé différentes activités, comme sur “Pirates des Caraïbes” ou “Master and Commander”, où vous êtes décrit comme “Lead Sabre Artist”. Quels sont les différents postes que vous avez occupés chez ILM ?
J’ai débuté dans le compositing [procédé numérique consistant à rassembler plusieurs sources d’images dans un plan unique, ndlr], et le processus des effets spéciaux se divise en différents aspects : certains s’occupent des modèles, d’autres du rendu ou de l’animation, ce que beaucoup ont fait avec les vaisseaux de Battleship. Il y aussi l’arrière-plan et le compositing, qui tient plus de l’assemblage : le travail consiste à faire en sorte que toutes les images que nous regroupons donnent l’impression d’avoir été filmées avec la même caméra. C’est un boulot très intéressant et très stimulant, car ça vous permet de voir et d’analyser la réalité d’une autre manière, puisqu’on se demande ce qui fait que quelque chose nous semble proche ou loin, grand ou petit. Il faut ensuite appliquer ces pensées aux images que l’on créé. J’ai fait ce travail pendant de nombreuses années chez ILM, avant de devenir superviseur des effets visuels.
Robert Redford (Lions et agneaux), Spike Lee (Miracle à Santa-Anna) & Paul Thomas Anderson (There Will Be Blood) – © Twentieth Century Fox France, L.C.J. & Walt Disney Studios Motion Pictures France
Vous avez aussi travaillé sur des films tels que “Jarhead”, “Munich” ou “Lions et agneaux”, qui ne reposent pas sur leurs effets spéciaux. Est-il frustrant de travailler sur un film où les effets spéciaux se doivent d’être discrets ?
Chez ILM, je saute sur l’opportunité dès que je peux travailler avec de grands réalisateurs, ce qui m’a permis de côtoyer Robert Redford sur Lions et agneaux, mais aussi Spike Lee (Miracle à Santa-Anna) ou Paul Thomas Anderson (There Will Be Blood). C’était un honneur d’être avec eux sur le plateau et de les regarder travailler. Sur ce type de projets, le but est de réaliser des effets spéciaux qui soient invisibles et j’aime faire ça, car nous sommes là pour aider un réalisateur à raconter son histoire. Ce n’est pas de l’image pour l’image. Nous sommes au service du scénario, donc ces films, qui ne sont pas considérés comme des films à effets spéciaux, ont leurs propres défis, car il est très important que notre résultat soit très réaliste.
Quel est le plus gros challenge que vous ayez affronté ?
Celui qui me vient à l’esprit maintenant, c’est le moment où j’ai commencé à lire le scénario de Battleship : il était plutôt évident que Peter Berg cherchait à faire un film épique et explosif, ce qui signifie qu’il allait falloir beaucoup d’effets. Le défi était donc de savoir comment nous allions faire tout ceci. Mais j’ai beacoup aimé faire ce travail, surtout avec une équipe aussi talentueuse, même si la combinaison “eau+destruction+batailles” a rendu les choses compliquées, car c’est l’un des projets les plus gratifiants sur lesquels j’aie travaillé.
Propos recueillis à Paris le 21 mars 2012 par Maximilien Pierrette
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