Gaspar Noé est de retour avec “Climax”, un film renversant que le cinéaste nous décrit “comme une montagne russe qui se transformerait en train fantôme”. Rencontre.

AlloCiné : Ce film Climax est arrivé presque comme un happening. Il a été tourné en très peu de temps et, pour nous spectacteurs, il a surgi comme ça, nous n’en savions quasiment rien avant d’entrer dans la salle à Cannes…

Gaspar Noé, réalisateur : Avec la profusion des informations sur internet, on sait tout du film avant même qu’il soit sorti. Donc on essaie de brouiller les pistes. Je ne supporte pas de lire des articles avant de voir les films. Donc lorsqu’on me dit qu’un film est bon, je ne lis rien dessus. J’ai encore envie d’être surpris au cinéma.

Lorsque tu fais des rêves la nuit, tu ne sais pas ce qui va se passer la séquence d’après. Si avant d’aller te coucher, on te donnait le contenu des rêves que tu allais faire, il serait beaucoup moins drôle d’aller se coucher et de faire des rêves.

J’ai encore envie d’être surpris au cinéma

On peut voir le film comme une montagne russe qui se transformerait en train fantôme. Il y a un côté jubilatoire dans la mise en scène, dans la façon dont ces gens arrivent à s’exprimer avec leurs bras et leurs jambes. Lorsque je les regarde danser, je suis fasciné, je suis envieux. Je ne sais pas ce que je donnerais pour savoir danser comme ces jeunes hommes et ces jeunes filles.

Il y a des choses angoissantes dans le film, mais c’est tellement matraquant que tout d’un coup, ça en devient drôle. Le film devient de l’humour drôle, comme les films de Bunuel. Bunuel, à chaque fois qu’il essaye de faire un drame psychologique, ça reste très drôle. Malheureusement pour moi, je ne pouvais pas faire un film comme Haneke ou comme Bergman. Je trouve qu’il y a des gens qui ont une perception douloureuse de la vie, et d’autres une perception joyeuse de la vie… Même si je faisais un film de guerre, je suis sûr que les gens vont rigoler. 

Pour revenir sur la genèse de ce projet, qui s’est fait en très peu de temps, était-ce un projet que vous murissiez depuis un certain temps ou tout s’est fait dans l’urgence ?

Non. Souvent, vous avez des projets parallèles qui racontent des histoires semblables. Vous avez une idée pour un clip, une idée pour un film, un documentaire… Parfois, les films se font à la dernière seconde, et vous ramenez toutes vos obsessions sur un même projet. J’avais un projet sur le chamanisme. J’avais plusieurs projets différents. Il y a pas si longtemps, j’avais fait un clip pour Sebastian, le DJ musicien, qui a fait la musique de Romain Gavras. Il m’avait proposé de faire un clip et on cherchait des filles de 17 ans pour danser dessus. Il y a une fille de 11 ans qui s’est pointé au casting je ne sais pas comment et finalement c’était mieux. J’ai filmé une fille de 11 ans en train de danser. Je suis hypnotisé. Pareil quand je vois tous les danseurs et danseuses de mon film, je suis hypnotisé. Autant filmer des gens qu’on aime. Je les aime. Quand je les vois, je suis fasciné. J’essaye de faire partager ce plaisir visuel que j’ai pu connaître.  

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Il y a beaucoup de références dans le film. J’y ai vu d’abord un clin d’oeil à Paris is burning…

Je l’ai acheté, je ne l’ai toujours pas vu. Je sais que c’est le premier grand documentaire sur le voguing. J’avais vu Rize de David LaChapelle. Dans Rize, ce qui m’avait le plus impressionné, c’était les gamins qui dansaient. Je me disais que si je faisais un film de danse, je voudrais au moins un petit gamin qui danse.

Ce sont des formes d’expression instinctives. Il y a des gens qui sont très drôles verbalement ; il y a des gens qui sont très drôles quand ils dansent. Le gamin qui danse dans mon film est un génie. 

A propos de la mise en scène, il y a beaucoup de plans séquences et je crois aussi que beaucoup de choses ont été improvisées…

Tous les dialogues sont improvisés ! Sauf un ou deux que j’avais suggéré. Chacun était libre de raconter ce qu’il voulait. On filmait beaucoup. Maintenant avec les caméras numériques, on peut beaucoup tourner. Si je leur avais donné du texte à répéter, ils auraient été mal à l’aise. Je les filme pendant longtemps et je récupère juste les passages qui me semblaient les plus intéressants, drôles ou poignants.

Le film s’est fait par ordre chronologique et dans une joie absolue

Le film s’est fait par ordre chronologique et dans une joie absolue. Il n’y a pas eu la moindre prise de tête, entre les danseurs, moi ou quiconque à l’image ou derrière la caméra. J’ai fait beaucoup de films et j’ai toujours pris un plaisir fou à tourner, mais là, c’est la première fois où depuis la conception à la sortie du film, je n’ai pas eu l’ombre d’une prise de tête ou d’angoisse, à part qu’il fallait finir le film pour Cannes et on y est arrivé car on travaillait 20 heures par jour. J’ai du dormir 3 heures par nuit pendant 2 mois.

Lors de la présentation du film à Cannes, vous avez eu une formule à propos du titre, que c’était un choix “commercial” pour plaisanter. Mais comment avez-vous choisi ce titre ?

Pendant toute notre existence, on cherche un Climax, un moment comme ça où l’on arrive à s’oublier. Il y a une quête désespérée par l’amour, le sport, la danse, par le surpassement de soi. On cherche des points culminants. Comme c’est un objet d’attraction universel, c’est un titre effectivement qui est commercial parce que ce n’est pas un titre négatif. C’est un titre super positif pour un film qui est plus chargé que ça. 

Cannes 2018 – Gaspar Noé : “Climax est comme une montagne russe qui devient un train fantôme” 

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