Après près de 200 contrôles dans les établissements spécialisés en santé mentale et de services psychiatriques des hôpitaux, le Contrôleur générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), Adeline Hazan, a constaté non seulement une hausse “préoccupante” des admissions sans consentement mais aussi une atteinte à la dignité et aux droits des patients. Pour elle, “une réforme d’ampleur” de la psychiatrie est “nécessaire”.
Sommaire
- Hausse “préoccupante” des admissions et entrave à la liberté d’aller et venir
- Une liste de 67 recommandations
Dans un rapport paru le mercredi 17 juin1, le Contrôleur générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), Adeline Hazan, a visité l’ensemble des établissements spécialisés en santé mentale et une majorité
des services psychiatriques des hôpitaux généraux accueillant des patients admis en soins sans consentement. Près de 200 contrôles d’établissements ont été menés par la CGLPL en 12 ans. “La loi, depuis près de deux siècles, permet d’hospitaliser des personnes atteintes de troubles mentaux sans leur consentement”, rappelle le communiqué. Quelle est la mission du Contrôleur général des lieux de privation de liberté ?Créé en 2007, le CGLPL est chargé de contrôler les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté. Il est indépendant pour s’assurer au mieux du respect de leurs droits fondamentaux. Il peut être saisi par toute personne privée de liberté ou par ses proches. Depuis le 9 juillet 2014, la désignée CGLPL est Adeline Hazan. “Ces visites ont conduit au constat que l’hospitalisation à temps plein s’accompagne d’atteintes plus ou moins graves à la dignité et aux droits des patients et singulièrement à leur liberté d’aller et venir”, peut-on lire dans le rapport.
Hausse “préoccupante” des admissions et entrave à la liberté d’aller et venirPremier constat : “la part des soins sous contrainte dans les admissions croît de façon préoccupante, atteignant le quart des admissions et représentant 40 % d’entre elles dans certains établissements”. Le CGLPL s’inquiète surtout de l’entrave à la liberté des patients d’aller et venir “au motif de la sécurité” et “du risque de fugue”. Adeline Hazan constate que cette atteinte aux libertés et droits s’explique entre autres par le fait que le médecin et l’établissement se sentent juridiquement responsables des actes du patient. “Pour les patients admis sur décision du représentant de l’État, les psychiatres font valoir que leur responsabilité serait engagée en cas de problème”. Ainsi, “le patient devient dangereux d’abord pour le risque juridique potentiel qu’il fait courir au médecin ou à l’établissement et s’en prémunir peut passer avant le respect des droits du patient.”Une liste de 67 recommandations“Le CGLPL est tout autant convaincu que considérer le patient non plus comme un objet de soins, aussi bienveillants soient-ils, mais comme une personne disposant de droits redonnera un sens au travail collectif comme individuel des professionnels alors même que nombre d’entre eux ont témoigné auprès des contrôleurs de leur malaise de l’avoir perdu.”De ce fait, le CGLPL liste dans ce rapport 67 recommandations pour améliorer la prise en charge des patients hospitalisés tout en préservant leur dignité et leurs droits fondamentaux. Parmi elles, le développement de programmes de soin au sein “des prises en charge ambulatoire étoffées et pluridisciplinaires” pour réduire les périodes d’hospitalisation complète ou encore la déstigmatisation de
la maladie mentale. “Il est indispensable de repenser le soin avec non seulement une prise en compte des nouveaux champs des neurosciences mais aussi en donnant une place prioritaire aux moyens humains qui permettent l’accompagnement, l’apaisement et le soin des troubles psychiatriques.” Enfin, pour le CGLPL, une réforme en profondeur de la psychiatrie est “nécessaire” pour garantir au patient “une prise en charge respectueuse de ses droits, de ses spécificités sociales et familiales, ainsi que de ses choix”.