En plein essor depuis plusieurs années, le marché français du logement ancien s’est heurté à la crise du coronavirus avec une chute logique des ventes, mais les prix ont poursuivi leur hausse et il faudra des mois pour qu’ils reflètent les bouleversements actuels.
“Il ne s’est rien passé pendant deux mois, (…) on ne pourra pas rattraper ces deux mois“, a résumé jeudi le notaire parisien Thierry Delesalle, à l’occasion des chiffres trimestriels sur le marché, établis de concert par la profession avec l’Insee.Pour 2020, “on peut s’attendre à une baisse de 150.000 transactions sur l’ensemble de la France“, a-t-il avancé, ce qui représenterait une chute de 15%.Comme tous les secteurs économiques, l’immobilier français s’est heurté à la crise sanitaire et économique du coronavirus, en particulier le strict confinement mis en place entre mi-mars et début mai pour éviter la propagation de la maladie.Il a été impossible de visiter un logement et très difficile d’achever une transaction, même si le gouvernement a facilité les signatures virtuelles auprès des notaires.Les chiffres nationaux de l’Insee ne donnent pas encore la pleine mesure de ce coup d’arrêt. Non seulement ils s’arrêtent seulement à fin mars, mais ils courent sur l’ensemble des douze mois écoulés à cette date, ce qui atténue considérablement les variations.Les ventes demeurent donc pour l’heure au-dessus de la barre du million annuel. Sur la période de douze mois achevée fin mars, 1,04 million de transactions avaient été effectuées, un léger ralentissement par rapport au niveau observé sur l’ensemble de l’année 2019 à 1,07 million.Chute de 22% en Ile-de-FrancePour réellement mesurer l’ampleur de la chute du marché, il faut regarder les chiffres établis par les seuls notaires d’Île-de-France qui se concentrent sur le premier trimestre. Là, c’est un recul de 22% en région parisienne et ce n’est qu’un début.”On peut penser qu’il y a une baisse de 90% (…) des actes de vente” pendant le confinement, a rapporté M. Delesalle.Avant ce brusque coup d’arrêt, le marché était florissant. Les prix, notamment, ne cessaient d’augmenter chaque année, passant même les 10.000 euros le mètre carré à Paris.Si la chute des ventes est une certitude, l’évolution des prix reste justement une inconnue majeure. Ils ont, pour l’heure, poursuivi leur hausse et l’ont même accélérée.Entre janvier et mars, leur niveau moyen a progressé de 5% par rapport à un an plus tôt, une progression générale entre maisons et appartements, comme entre Île-de-France et province.Mais ces variations ne disent rien des effets potentiels du confinement et, au-delà, de la crise. Ils traduisent des négociations effectuées bien en amont entre acheteurs et vendeurs.Même actuellement, “les promesses que nous signons en ce moment, c’est encore le rattrapage de (négociations) qui étaient faites en mars“, a prévenu M. Delesalle. “On est encore un peu sur les anciens prix. Les nouveaux prix, ça sera plus sur le troisième trimestre“.Les banques surveilléesLe secteur peut donc s’attendre à plusieurs mois de spéculations et de chiffres parcellaires selon les acteurs, dont les opinions gravitent entre deux grandes tendances.Pour certains, la crise ne changera rien à la demande de logements, en particulier dans de grandes villes comme Paris où l’offre est insuffisante. Il est donc illusoire de craindre, ou d’espérer, un recul des prix.Pour d’autres, l’immobilier, malgré sa réputation de valeur refuge, ne pourra échapper aux conséquences d’une crise économique majeure.”Si vous avez dix millions de chômeurs en plus, il y aura un impact sur le marché immobilier, c’est évident“, a appuyé M. Delesalle.L’attitude des banques en particulier s’annonce cruciale. A quel point limiteront-elles les prêts immobiliers alors que ces derniers étaient en plein essor depuis des années, contribuant à soutenir la demande et faire monter les prix?”Les banques aujourd’hui resserrent le robinet“, a rapporté M. Delesalle, craignant que cela pâtisse d’abord aux particuliers, souvent jeunes et peu fortunés, qui achètent leur premier logement.”La sélection des dossiers commence à être un peu inquiétante“, a-t-il noté, s’abstenant pour le reste de jouer la “boule de cristal” sur l’évolution des prix.